La Cour de cassation a récemment dit pour droit que la reconnaissance d’un déséquilibre significatif contenu dans un contrat commercial était subordonnée à la démonstration effective d’une soumission ou d’une tentative de soumission à de telles conditions, laquelle ne peut se présumer du déséquilibre allégué (Cass. Com., 20 novembre 2019, n°18-12.823).

Pour rappel, l’article L442-1 du Code de commerce (anciennement article L442-6 du même Code) sanctionne par la nullité de la clause incriminée et le paiement de dommages-intérêts toute personne exerçant des activités de production, de distribution ou de service, tentant de soumettre son co-contractant à un déséquilibre significatif dans leurs droits et obligations respectifs.

En l’espèce, le Ministre de l’économie avait assigné un distributeur aux fins de faire cesser certaines de ses pratiques contractuelles : il imposait à ses fournisseurs ses conditions d’achat type prérédigées qui prévoyaient la possibilité d’exclure ou de renégocier certaines clauses  des conditions de ventes du fournisseur si elles étaient abusives (notamment sur les passations de commandes, les délais écourtés pour contester les factures, l’impossibilité de négocier les prix et remises ou encore l’exonération ou la limitation de responsabilité du vendeur).

Après le rejet de ses demandes par la Cour d’appel de Paris, le Ministre s’est pourvu en cassation, faisant notamment valoir que la charge de la preuve de la soumission ou de la tentative de soumission à un déséquilibre significatif ne lui incombait pas.

En effet, aux termes de son argumentaire, il reviendrait au distributeur de prouver qu’il n’était pas coupable d’un tel comportement du fait de la combinaison de deux éléments.

D’une part, comme le constatait la Cour elle-même, le distributeur proposait à l’ensemble de ses fournisseurs une convention type contenant des clauses déséquilibrées qu’il avait prérédigée.

D’autre part, une asymétrie de pouvoir bien connue dans le secteur de la grande distribution, entre le distributeur et ses fournisseurs, était également établie.

Dans ce contexte, l’attendu de principe de cet arrêt règle une question épineuse, à laquelle la Cour d’appel de Paris peinait à adresser une réponse claire.

Tantôt retenant une soumission s’inférant inévitablement du contenu du contrat examiné, tantôt exigeant la démonstration effective d’une soumission ou d’une tentative de soumission active, ces atermoiements nécessitaient que la Cour de cassation prenne position.

Pour ce faire, cette dernière édicte en réponse au Ministre qu’une telle démonstration implique de prouver l’absence de négociation effective des stipulations déséquilibrées.

La structure déséquilibrée du marché concerné ne peut constituer un élément de preuve suffisant, et n’est qu’un simple indice qui doit être complété par d’autres éléments de démonstration.

Ainsi, il ne suffira plus à une victime de tels agissements de démontrer qu’elle est assujettie à un contrat déséquilibré. Elle devra produire des preuves d’un refus effectif de négociation de la part de son co-contractant, par exemple par l’intermédiaire d’échanges avec ce dernier en attestant. 

Marseille, le 13 janvier 2020

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