Au terme de deux décisions récentes de la Cour de cassation du 13 septembre 2023, les dispositions de l’article L 3141-3 du code du travail sont, pour la première fois, écartées.

 

La situation avant l’intervention de cette nouvelle jurisprudence

Jusqu’à présent, du fait de la rédaction de l’article L. 3141-3 du code du travail qui dispose que chaque salarié a droit à 2.5 jours de ouvrables de congés payés par mois de travail effectif, il était communément admis et appliqué le principe selon lequel les périodes de suspension du contrat de travail, notamment pour cause de maladie ou accident non professionnels ne donnaient pas droit à l’acquisition de congés payés sauf évidemment, dispositions conventionnelles ou contractuelles plus favorables.

A noter toutefois que l’article L 3141- 5 du code du travail prévoyait déjà des exceptions en assimilant certaines périodes de suspension du contrat de travail à des périodes de travail effectif pour la détermination de la durée des congés, et notamment le congé de maternité et de paternité, mais également les arrêts de travail du fait d’un accident du travail ou d’une maladie professionnelle (dans la limite de 12 mois toutefois).

 

Les conséquences des arrêts du 13 septembre 2023

Pour l’avenir, la situation est claire : les périodes de suspension du contrat de travail devront générer l’acquisition de congés payés.

Désormais tous les arrêts de travail en raison de l’état de santé du salarié, quelle qu’en soit l’origine ou la durée, donnent droit à l’acquisition de congés payés.

Cette solution est applicable à l’ensemble des congés payés à savoir les cinq semaines prévues par le code du travail mais également, le cas échéant, aux congés payés supplémentaires prévus par une convention ou un accord collectif.

Reste que toute décision de jurisprudence étant non seulement d’application immédiate mais encore rétroactive, il va falloir envisager pour toutes les entreprises la régularisation de la situation des salariés privés de leurs droits à congés dans le passé.

 

Régularisation du droit à congés payés et délai de prescription

Un troisième arrêt du même jour complexifie encore la situation pour toutes les entreprises.

En effet, il est fort à parier que beaucoup d’employeurs vont être rapidement saisi de demandes de régularisation de la part de salariés ayant vu leur droit à congés annuels réduits en raison d’arrêts maladie d’où la légitime question de la prescription de ces droits à congés.

En résumé, et sans détailler les subtils mécanismes de la prescription, les créances de salaire se prescrivent par trois ans.

 

Or, la Cour de cassation a, dans ce troisième arrêt du 13 septembre, restreint la possibilité pour l’employeur de se prévaloir de la prescription en la matière par cet attendu :

« Lorsque l’employeur oppose la fin de non-recevoir tirée de la prescription, le point de départ du délai de prescription de l’indemnité de congés payés doit être fixé à l’expiration de la période légale ou conventionnelle au cours de laquelle les congés payés auraient pu être pris dès lors que l’employeur justifie avoir accompli les diligences qui lui incombent légalement afin d’assurer au salarié la possibilité d’exercer effectivement son droit à congé »

 

Il semble difficile pour l’employeur, confronté à une demande de rappel de congés, de pouvoir démonter avoir mis le salarié en mesure de prendre des congés qui a priori n’étaient pas acquis !

A noter que la Cour de cassation s’est bornée, dans ce dernier arrêt à reprocher à la cour d’appel d’avoir limité les droits du salarié aux trois dernières années précédant la saisine du juge sans caractériser de diligences de la part de l’employeur.

Pour autant, aucun indice n’est donné quant à la nature des diligences légales susceptibles de permettre à l’employeur d’invoquer la prescription.

Faut-il se référer aux diligences concernant les périodes de congés acquises par le salarié selon les principes applicables avant le revirement de jurisprudence ou considérer que l’employeur n’a jamais mis en mesure le salarié d’exercer ses droits, puisque pour lui, les congés n’étaient pas acquis, de sorte qu’aucune prescription n’est susceptible d’avoir couru ?

Dans ce dernier cas, faudra-t-il prendre en considération pour une régularisation éventuelle, l’ensemble de la relation de travail ou prendre en compte la date des textes européens ?

Cette question promet d’être brulante au cours des prochains mois.

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