De manière assez constante, les juridictions du fond, avec l’aval de la Cour de cassation, jugent que la violation par une personne qui en est débitrice d’une obligation édictée aux articles L561-1 et suivant du Code monétaire et financier en matière de lutte contre le blanchiment et le financement du terrorisme (LCB-FT), n’est pas source de responsabilité civile.

Ce principe est fréquemment rappelé par la Cour de cassation, notamment à l’occasion d’instances dans lesquelles des plaignants tentent de mettre en jeu la responsabilité civile de leur Banque sur le fondement du devoir de vigilance. La Haute juridiction retient en effet que le régime LCB-FT « n’a pour seule finalité que la détection portant sur des sommes en provenance du trafic des stupéfiants ou d’activités criminelles organisées », et que les obligations de vigilance et de déclaration qu’il impose, « [dérogatoires] au principe de non-ingérence, n’ont pas été édictées pour la satisfaction d’intérêts privés : elles ne relèvent que de la protection de l’intérêt général ».

Cette position, qui consacre un principe d’autonomie de cette règlementation, est pourtant nuancée par la Cour de cassation dans un domaine particulier, celui de la concurrence déloyale.

La Cour, dans un arrêt publié du 27 septembre 2023 (Pourvoi n°21-21.995), retient en effet que la violation des obligations relevant de la règlementation LCB-FT pouvait être source de responsabilité civile à l’égard des concurrents de l’entreprise défaillante.

Pourquoi ? Le respect de la règlementation LCB-FT qui pèse sur les personnes visées à l’article L562-1 du Code monétaire et financier, suppose la mise en place de procédures pour, notamment, établir une cartographie des risques LCB-FT en fonction de plusieurs paramètres, de manière à mesurer ces risques et pouvoir prendre, le cas échéant, les dispositions qui s’imposent. Ces procédures, quelle que soit la taille de l’entreprise qui assume correctement ses obligations LCB-FT, représente un coût non négligeable. Il s’agit par ailleurs d’obligations qui doivent être revues régulièrement et, parfois, qui nécessitent qu’une ou plusieurs personnes y soient complètement dédiées dans l’entreprise.

Or, celui qui n’assume pas son obligation de vigilance en cette matière est nécessairement dans une position de concurrence déloyale par rapport à ceux de ses concurrents qui la respectent scrupuleusement.

C’est précisément cette situation que vient sanctionner la Cour de cassation dans son arrêt du 27 septembre 2023 en indiquant très clairement :

 

9. Le respect par une entreprise des obligations imposées aux articles L. 561-1 et suivants du code monétaire et financier pour lutter contre le blanchiment des capitaux et le financement du terrorisme engendre nécessairement pour elle des coûts supplémentaires.

10. Il en résulte que le fait pour un concurrent de s’en affranchir confère à celui-ci un avantage concurrentiel indu, qui peut être constitutif d’une faute de concurrence déloyale. »

 

Cette décision pourrait avoir un fort retentissement à l’avenir, notamment dans certaines professions qui s’affranchissent encore trop du respect de cette règlementation.

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